Muriel MEILLIER est enseignante en CM2 dans l’académie de Grenoble. Depuis sa première inscription en septembre dernier, elle s’est engagée pleinement dans le dispositif mais pas seulement puisqu’on peut la retrouver dans de nombreux projets liés au numérique éducatif. Muriel a rapidement rejoint le groupe des MASTERS, elle est également membre de l’association Twictée. Elle anime la communauté Twictée sur Viaéduc.

La Twictée est un dispositif d’une grande richesse. Un de ses points forts est la création des twoutils par les élèves. En effet, ce travail développe la réflexion des enfants et facilite leur appropriation des règles d’orthographe. Cependant, les effets ne s’arrêtent pas aux élèves. En tant qu’enseignante, ce dispositif a aussi favorisé mon évolution professionnelle. Il a amené une profonde modification de mon enseignement de l’étude de la langue dans la classe.

L’évolution du dispositif pédagogique tout au long de cette année 

Un des rituels de la classe est celui de « la phrase du jour ». Il consiste en la justification d’un « point » orthographique, en s’inspirant de la structure du « Twoutil canonique ». Réfléchir sur « pourquoi les mots s’écrivent comme ça » puis l’expliquer en utilisant le métalangage adapté, permet aux élèves de créer des liens et mettre du sens. J’ai détaillé ce fonctionnement dans un précédent article : Des twoutils aux cartes mentales augmentées.

Un autre intérêt de ce rituel est la verbalisation des démarches des élèves. Les plus intéressantes sont les démarches erronées. Elles permettent, d’une part, de mieux repérer où se situe l’erreur et donc de davantage cibler la remédiation. D’autre part, elles mettent parfois en lumière des implicites. En général, ce sont eux qui vont induire une évolution de mon fonctionnement. Par exemple, dorénavant, j’insiste sur la différence entre l’accord qui s’entend et celui qui ne s’entend pas (comme avec les déterminants : « le » devient « les » au pluriel, pas besoin d’analyser ; « leur » devient « leurs » au pluriel, besoin d’analyser). Permettre aux élèves de se concentrer sur les points qui peuvent poser problème donne du sens à l’activité. De plus, apprendre à repérer les règles « utiles » permet de ne pas « s’encombrer » la tête, et donc, de limiter la surcharge cognitive, surtout pour les plus fragiles.

muriel

L’objectif principal : l’investissement intellectuel de l’élève.

L’un des exercices de ce rituel était de repérer les différentes fonctions dans la phrase : le sujet du verbe, le groupe verbal (qui devient le prédicat dans les nouveaux programmes de 2016) et les compléments de phrase. Cependant, cette activité, « entourer le sujet en bleu » par exemple, n’était pas toujours concluante. En effet, les élèves sont souvent centrés sur l’action à réaliser : ici, l’action, qui devient l’objectif de l’élève, est celle d’entourer en bleu, alors que l’objectif de l’enseignant est qu’il reconnaisse le sujet. L’idée était donc de trouver des tâches permettant, comme pour la création des « twoutils », un investissement cognitif accru. Lors d’un petit tour sur le remarquable site de Benoît Wautelet @Wautelet, chouetteleniveaubaisse, j’ai pu trouver des activités plus efficaces. Maintenant, l’analyse de la phrase passe par des manipulations comme la pronominalisation, le déplacement ou la suppression des différents groupes. Celles-ci demandent aux élèves un investissement intellectuel plus important. Déjà parce que l’action est proche de l’objectif d’apprentissage mais aussi parce que l’élève doit vérifier que sa réponse a du sens. En effet, pronominaliser un complément de verbe nécessite d’avoir une bonne représentation mentale du sens de la phrase avant, mais aussi après la pronominalisation.

Le travail d’explicitation des points orthographiques complété par ces activités de manipulation me permet, au final, d’aborder sur l’année tout le programme du CM2.

 

La correction collective de la Twictée XVII : nouvelle réflexion.

Lors de la correction collective de la dernière twictée, je me suis aperçue d’une « erreur » de ma part lors de mon rituel : je ne demandais de justifier que lorsqu’il y avait un accord à faire. Or, il est important, il me semble, de faire réfléchir les élèves également quand il n’y en a pas. C’est un choix de ne pas mettre de « s », de « e », de « nt », etc. et pas une écriture « par défaut ». Il y a une explication à l’écriture du nom « vitrine » sans « s » à la fin.

MURIEL

Correction Twictée XVII (avec les erreurs d’orthographe grammaticale non corrigées)

  • Étape 1 : repérer la classe des mots (formes géométriques ; exemple : triangle = adjectif1).
  • Étape 2 : repérer les mots qui nécessitent une analyse pour être sûr de son orthographe grammaticale (mots soulignés en orange).

Mes dernières réflexions 

L’automatisation de la vigilance orthographique des élèves passe par de nombreuses confrontations avec ces exercices d’analyse. Chaque situation rencontrée, que ce soit dans « la phrase du jour » ou dans la « Twictée », amène une discussion avec les élèves. Chaque explicitation oblige à faire des liens entre les règles d’orthographe ou de grammaire et leur utilisation lors des écrits.

Cette année, le feuilleton d’Hermès

Par exemple, cette année, j’utilise les résumés des épisodes du livre « Le feuilleton d’Hermès2« , les phrases ont des constructions complexes. Ici, ce travail d’explicitation des points d’orthographe grammaticaux s’aborde comme une situation problème : l’élève doit résoudre un problème orthographique (comme lors de la création des twoutils). Chacun réfléchit d’abord seul, puis avec ses camarades d’îlot. Pour finir, on confronte collectivement les différentes analyses. Les discussions qui s’ensuivent sont passionnantes. Au fur et à mesure de l’année, les réponses deviennent plus pertinentes, les élèves utilisent les mots de grammaire (sujet, verbe, nom, adjectif, etc.) appropriées aux situations. Ils n’emploient plus le métalangage grammatical au hasard. Ils l’automatisent petit à petit et l’utilisent « naturellement ». Ne plus avoir l’impression que les mots sont sortis au hasard d’une grande boîte « fourre-tout » étiquetée « français », c’est le sentiment d’avoir enfin réussi à leur faire mettre du sens.

L’évaluation 

L’objectif de ce rituel de français est de développer la réflexion des élèves. Il ne donne pas lieu à une évaluation « traditionnelle ». Cependant, les explications de plus en plus pertinentes des élèves me permettent de vérifier l’efficacité du travail. De nombreux points orthographiques travaillés dans ce cadre, permettent de revoir les règles d’étude de la langue prévues au programme du cycle 3. Les élèves ont un plan de travail dans lequel ils ont des entraînements plus « classiques ». L’évaluation se fait dans le cadre d’un cahier de réussites où les élèves choisissent à quel moment ils vont s’évaluer sur telle ou telle compétence.

Conclusion 

Ce travail de réflexion grâce à la phrase du jour ou à la Twictée permet :

  • de donner du sens à de nombreuses règles d’orthographe et de grammaire ;
  • d’apprendre à se concentrer sur les points qui peuvent poser problème ;
  • de penser à expliciter aussi l’absence d’accord ;
  • de faire preuve d’agilité et de souplesse dans l’analyse (les phrases étudiées sont rarement des phrases de base : sujet – verbe – complément de verbe) ;
  • d’augmenter l’activité cognitive des élèves lors de l’analyse des phrases pour favoriser l’automatisation de leur questionnement et leur vigilance orthographique.

Muriel Meillier – @MurielMeillier


1Brigitte Dugas, La grammaire de la phrase en 3D, Éd. Chenelière Éducation

2Murielle Szac, Le feuilleton d’Hermès : la mythologie grecque en cent épisodes, Éd. Bayard jeunesse